Page:Verne - De la Terre à la lune.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
de la terre à la lune.

— C’est évident, dit le major.

— Seize cent mille livres de poudre, reprit le secrétaire du Comité, occuperont un espace de vingt-deux mille pieds cubes[1] environ ; or, comme votre canon n’a qu’une contenance de cinquante-quatre mille pieds cubes[2], il sera à moitié rempli, et l’âme ne sera plus assez longue pour que la détente des gaz imprime au projectile une suffisante impulsion. »

Il n’y avait rien à répondre. J.-T. Maston disait vrai. On regarda Barbicane.

« Cependant, reprit le président, je tiens à cette quantité de poudre. Songez-y, seize cent mille livres de poudre donneront naissance à six milliards de litres de gaz. Six milliards ! Vous entendez bien ?

— Mais alors comment faire ? demanda le général.

— C’est très-simple ; il faut réduire cette énorme quantité de poudre, tout en lui conservant cette puissance mécanique.

— Bon ! mais par quel moyen ?

— Je vais vous le dire », répondit simplement Barbicane.

Ses interlocuteurs le dévorèrent des yeux.

« Rien n’est plus facile, en effet, reprit-il, que de ramener cette masse de poudre à un volume quatre fois moins considérable. Vous connaissez tous cette matière curieuse qui constitue les tissus élémentaires des végétaux, et qu’on nomme cellulose.

— Ah ! fit le major, je vous comprends, mon cher Barbicane.

— Cette matière, dit le président, s’obtient à l’état de pureté parfaite dans divers corps, et surtout dans le coton, qui n’est autre chose que le poil des graines du cotonnier. Or, le coton, combiné avec l’acide azotique à froid, se transforme en une substance éminemment insoluble, éminemment combustible, éminemment explosive. Il y a quelques années, en 1832, un chimiste français, Braconnot, découvrit cette substance, qu’il appela xyloïdine. En 1838, un autre Français, Pelouze, en étudia les diverses propriétés, et enfin, en 1846, Shonbein, professeur de chimie à Bâle, la proposa comme poudre de guerre. Cette poudre, c’est le coton azotique…

— Ou pyroxyle, répondit Elphiston.

— Ou fulmi-coton, répliqua Morgan.

— Il n’y a donc pas un nom d’Américain à mettre au bas de cette découverte ? s’écria J.-T. Maston, poussé par un vif sentiment d’amour-propre national.

— Pas un, malheureusement, répondit le major.

  1. Un peu moins de 800 mètres cubes.
  2. Deux mille mètres cubes.