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— Eh bien ! je trouve cela drôle.

— Ah !… tu trouves cela drôle ?…

— Oui… et je pense que si le troisième incident se produisait, par exemple un combat pendant la dernière partie du voyage, je me trompe fort, ou ce serait M. Dardentor qui nous sauverait tous les deux à la fois ! »

Jean Taconnat frappait du pied, repoussait les chaises, tapait sur les vitres de la fenêtre à les briser, et, — ce qui semblera assez singulier, — c’est que cette fureur fût réellement sérieuse chez un fantaisiste tel que lui !

« Vois-tu, mon vieux Jean, reprit Marcel Lornans, tu devrais renoncer à te faire adopter par M. Dardentor, comme j’y ai renoncé pour mon compte…

— Jamais !

— D’autant que maintenant qu’il t’a sauvé, il va t’adorer comme il m’adore, cet émule de l’immortel Perrichon !

— Je n’ai pas besoin de ses adorations, Marcel, mais de son adoption, et, que Mahomet m’étrangle, si je ne trouve pas le moyen de devenir son fils !

— Et de quelle façon t’y prendras-tu, puisque la chance se déclare invariablement en sa faveur ?…

— Je lui préparerai des traquenards… Je le pousserai dans le premier torrent que nous rencontrerons… Je mettrai, s’il le faut, le feu à sa chambre, à sa maison… Je recruterai une bande de Bédouins ou de Touaregs qui nous attaqueront en route… Enfin, je lui tendrai des pièges…

— Et sais-tu ce qui arrivera de tes pièges, Jean ?…

— Il arrivera…

— Que c’est toi qui tomberas dedans, et que tu en seras tiré par M. Dardentor, le protégé des bonnes fées, le favori de la Providence, le prototype de l’homme chanceux, auquel tout a réussi dans la vie, et pour qui la roue de dame Fortune a toujours tourné dans le bon sens…