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— La proposition de Moktani, reprit M. Derivas, doit d’autant plus être acceptée que, jusqu’à la forêt d’Ourgla, c’est-à-dire pendant douze à quinze kilomètres à travers les plantations d’alfa, l’ombrage nous fera défaut…

— Nous acceptons, répliqua M. Dardentor, approuvé par ses compagnons. Mais que ces dames ne s’effraient pas d’un bout de cheminement en plein soleil. Elles seront abritées dans leurs chars à bancs… Quant à nous, il suffira que nous regardions en face l’astre du jour pour lui faire baisser les yeux…

— Plus forts que des aigles ! » ajouta Jean Taconnat.

On déjeuna, comme la veille, avec les provisions du chariot dont une partie avait été renouvelée à Daya, et qui assuraient le voyage jusqu’à Sebdou.

Une plus grande intimité existait déjà entre les divers membres de la caravane, à l’exception de M. Eustache Oriental, lequel se tenait toujours à part. Il n’y avait qu’à se réjouir, d’ailleurs, de la façon dont s’accomplissait cette excursion, et à féliciter la compagnie qui avait tout prévu, à la complète satisfaction de sa clientèle.

Marcel Lornans se distingua par ses prévenances. Instinctivement, M. Dardentor se sentait fier de lui, comme un père l’eût été de son fils. Il cherchait même à le faire valoir, et ce cri du cœur lui échappa :

« Hein ! mesdames, ai-je été bien avisé de sauver ce cher Marcel, de l’arracher…

— Aux flammes tourbillonnantes d’un wagon en feu ! ne put s’empêcher de répondre Jean Taconnat.

— Parfait !… parfait ! s’écria M. Dardentor. Elle est de moi cette phrase, qui se déroule en mots ronflants et superbes ! Est-elle à ton gré, Patrice ? »

Patrice répondit avec un sourire :

« Elle a vraiment une belle allure, et lorsque monsieur s’exprime de cette façon académique…

— Allons, messieurs, dit le Perpignanais en levant son verre, à la