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tarda pas à s’étendre. On parla du voyage, des inattendus qu’il réservait sans doute, des hasards d’un itinéraire en cette contrée intéressante. À ce propos, pourtant, Mme Elissane demanda s’il n’y avait rien à craindre des fauves de la région ?

« Des fauves ? répondit Clovis Dardentor. Peuh ! Est-ce que nous ne sommes pas en nombre ?… Est-ce que le chariot aux bagages ne porte pas carabines, revolvers et des munitions suffisantes ?… Est-ce que mes jeunes amis Jean Taconnat et Marcel Lornans n’ont pas l’habitude des armes à feu, puisqu’ils ont servi ?… Et, parmi nos compagnons, n’en est-il pas qui aient déjà remporté des prix de tir ?… Quant à moi, sans me vanter, je ne serais pas gêné d’envoyer à quatre cents mètres une balle, conique ou non, dans le fin fond de mon claque-oreilles !…

— Hum ! fit Patrice, à qui ne plaisait guère cette façon de désigner un chapeau.

— Mesdames, dit alors l’agent Derivas, vous pouvez être rassurées au sujet des fauves. Il n’y a point d’attaque à redouter, puisque nous ne voyageons que le jour. C’est la nuit, seulement, que les lions, les panthères, les guépards, les hyènes quittent leurs tanières. Or, le soir venu, notre caravane sera toujours à l’abri dans quelque village européen ou arabe.

— Bast ! reprit Clovis Dardentor, je me moque de vos panthères comme d’un matou crevé, et, quant à vos lions, ajouta-t-il, en visant une bête imaginaire de son bras tendu en guise de carabine, pan !… pan !… dans la boîte aux cervelas ! »

Patrice s’empressa d’aller quérir une assiette que personne ne lui avait demandée.

Du reste, l’agent disait vrai : l’agression de bêtes féroces était peu à redouter pendant le jour. Quant aux autres habitants de ces forêts, chacals, singes avec ou sans queue, renards, mouflons, gazelles, autruches, inutile de s’en préoccuper, ni même des scorpions et vipères cérastes, rares dans le Tell.

Il serait superflu de mentionner que ce repas fut arrosé des bons