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la bonne dame arrivait à reconnaître elle-même la nullité du prétendu…

M. Dardentor déploya une éloquence irrésistible. Il était de bonne foi, d’ailleurs, en s’imaginant que ce voyage fournirait à l’héritier des Désirandelle quelque occasion de se produire à son avantage, et il espérait que le vœu de ses vieux amis finirait par se réaliser. Ce serait un tel chagrin pour eux s’ils échouaient ! Bien que cela ne fût pas pour toucher la jeune fille, il obtint finalement qu’elle s’occuperait des préparatifs de départ.

« Vous m’en remercierez plus tard, lui répétait-il, vous m’en remercierez ! »

Patrice, mis au courant, ne cacha point à son maître que ce voyage n’avait pas son entière approbation. Il faisait des réserves… Il y aurait sans doute d’autres touristes… on ne savait qui… et… de vivre en commun… cette promiscuité…

Son maître lui enjoignit de se tenir prêt à boucler les valises le soir du 10 mai, dans quarante-huit heures.

Lorsque M. Dardentor fit connaître aux deux jeunes gens la résolution prise par les familles Elissane et Désirandelle ainsi que par lui-même, il s’empressa de leur exprimer tous ses regrets, — oh ! très vifs… très sincères ! — de ce qu’ils ne pussent l’accompagner. C’eût été complet et charmant de « caravaner » ensemble, — ce fut son mot, — pendant quelques semaines à travers la province oranaise !

Marcel Lornans et Jean Taconnat offrirent leurs regrets non moins sincères et non moins vifs. Mais, depuis une dizaine de jours qu’ils étaient arrivés à Oran, pouvaient-ils tarder davantage à régulariser leur situation…

Et néanmoins, le lendemain soir, la veille du départ projeté, après avoir pris congé de M. Dardentor, voici que les deux cousins échangèrent ces demandes et ces réponses :

« Dis donc, Jean ?…

— Qu’y a-t-il, Marcel ?…

— Est-ce qu’un retard de deux semaines…