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baigné dans cette atmosphère lumineuse que le soleil crible de rayons dorés, lorsqu’il décline vers l’horizon. Enfin, au large, resplendit la mer immense, avec ça et là des navires déployant leur blanche voilure, des steamers balayant le ciel de leur longue queue fuligineuse. Rien de Minorque dans l’est, rien d’Ivitza dans le sud-ouest, mais, au sud, l’îlot abrupt de Cabrera, où tant de soldats français périrent misérablement pendant les guerres du premier Empire.

De cette tour du castillo de Bellver, la partie occidentale de l’île donne une idée de ce qu’est Majorque, la seule de l’archipel à posséder de véritables sierras plantées de chênes verts et de micocouliers, au-dessus desquelles pointent des aiguilles porphyritiques, dioritiques ou calcaires. Du reste, la plaine n’en est pas moins semée de tumescences qui portent le nom de « puys » aux Baléares comme en France, et l’on n’en trouverait pas une qui ne fût couronnée d’un château, d’une église ou d’un ermitage en ruine. Ajoutez que partout sinuent des torrents tumultueux, et, au dire du guide, leur nombre dépasse deux cents dans l’île.

« Deux cents occasions pour M. Dardentor d’y tomber, pensa Jean Taconnat, et vous verrez qu’il n’y tombera pas ! »

Ce qu’on apercevait de très moderne, par exemple, c’était le chemin de fer qui dessert la partie centrale de Majorque. Il va de Palma à Alcudia par les districts de Santa-Maria et de Benisalem, et il est question de jeter de nouveaux embranchements à travers les vallées capricieuses de la chaîne qui dresse le plus haut de ses pics à mille mètres d’altitude.

Suivant son habitude, Clovis Dardentor s’enthousiasmait à contempler ce merveilleux spectacle. Marcel Lornans et Jean Taconnat, d’ailleurs, partageaient cette admiration très justifiée. Il était vraiment dommage que la halte au château de Bellver ne pût se prolonger, qu’il ne fût pas possible d’y revenir, que la relâche de l’Argèlès dût prendre fin dans quelques heures.

« Oui ! déclara le Perpignanais, il faudrait séjourner ici des semaines… des mois…