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ces colis appartiennent à Fulk Ephrinell, et quel tapage, si l’un d’eux eût dégringolé avec ses paquets de dents artificielles !

Prudemment, tâtonnant du pied, tâtonnant de la main, je prends contact avec la caisse. Les pattes d’une mouche ne l’auraient pas frôlée d’une touche plus légère que ne le firent mes mains, lorsque j’en caressai les contours.

Je me penche et place timidement mon oreille contre le panneau antérieur…

Aucun bruit de respiration.

Les produits de la maison Strong Bulbul and Co. de New-York ne sont pas plus silencieux dans leurs boîtes.

Une crainte me saisit alors, — la crainte de voir s’écrouler toutes mes espérances de reporter. Est-ce que je me suis trompé à bord de l’Astara ? Cette respiration, cet éternuement, est-ce que j’ai rêvé tout cela ? Est-ce que personne n’est enfermé dans cette caisse, — pas même Zeitung ? Est-ce qu’il s’agit réellement de glaces expédiées à Mlle Zinca Klork, avenue Cha-Coua, Pékin, Chine ?…

Non ! Si faible qu’il ait été, je viens de surprendre un mouvement à l’intérieur de la caisse. Il s’accentue, d’ailleurs, et je me demande maintenant si le panneau ne va pas s’abaisser le long de la coulisse, si le prisonnier ne va pas sortir de sa prison, afin de venir humer l’air frais du dehors.

Ce que j’ai de mieux à faire pour voir et n’être point vu, c’est de me blottir au fond du fourgon entre deux colis. Grâce à l’obscurité, il n’y a rien à craindre.

Soudain un petit craquement sec frappe mon oreille. Je ne suis point le jouet d’une illusion : c’est bien le craquement d’une allumette que l’on vient de frotter…

Presque aussitôt, quelques faibles rayons pointent à travers les trous d’aération de la caisse.

Si j’avais pu me méprendre jamais sur le rang que le prisonnier occupait dans l’échelle des êtres, j’aurais été fixé en ce moment. À moins qu’il n’y ait là un singe qui connaisse l’usage du feu, et aussi