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travaillaient chacune six heures par jour, avec le concours des gens du pays, qui vivaient sous la tente, et dont le nombre monta à quinze mille. Un fil télégraphique reliait les travaux avec Mikhaïlov, d’où partaient sur un petit chemin de fer Decauville, les trains qui apportaient les rails et les traverses.

En ces conditions et grâce à l’horizontalité du sol, le résultat d’une journée se chiffrait par un avancement de huit kilomètres, alors qu’il n’avait été que de quatre dans les plaines des États-Unis. Quant à la main-d’œuvre, elle ne coûtait pas cher : quarante-cinq francs par mois aux ouvriers des oasis, cinquante centimes par jour à ceux qui venaient de la Boukharie.

C’est ainsi que les soldats de Skobeleff furent transportés à Kizil-Arvat, puis, cent cinquante kilomètres au delà, jusqu’à Ghéok-Tepé. Cette ville ne se rendit qu’après la destruction de ses remparts et le massacre de douze mille de ses défenseurs ; mais l’oasis d’Akhal-Tekké était au pouvoir des Russes. Quant aux habitants de l’oasis de l’Atek, ils ne tardèrent pas à se soumettre, et d’autant plus volontiers qu’ils avaient imploré l’appui du Czar dans leur lutte avec Kouli-Khan, le chef des Merviens. Ceux-ci, au nombre de deux cent cinquante mille, suivirent leur exemple, et la première locomotive stoppa dans la gare de Merv en juillet 1886.

« Et les Anglais, demandai-je au major Noltitz, de quel œil ont-ils vu les progrès de la Russie à travers l’Asie centrale ?

— D’un œil jaloux, cela va sans dire, réplique le major. Songez donc, les railways russes raccordés aux railways chinois au lieu de l’être au railways de l’Inde ! Le Transcaspien faisant concurrence au chemin de fer qui fonctionne entre Hérat et Delly ! D’ailleurs, les Anglais n’ont pas été aussi heureux en Afghanistan que nous l’avons été en Turkestan. Tenez, vous avez vu ce gentleman qui est dans notre train ?

— Parfaitement, major Noltitz. C’est sir Francis Trevellyan de Trevellyan-Hall, Trevellyanshire.

— Eh bien ! sir Francis Trevellyan n’a que des regards de mépris