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pourvue d’arbres, — il n’y pousse pas même un palmier, — n’offre que des pâturages et des champs de céréales, arrosés par un maigre ruisseau. Ma bonne fortune a voulu que j’eusse pour compagnon, je dirai même pour cicerone, le major Noltitz.

Notre connaissance s’est faite très simplement. Le major est venu à moi, et je suis allé à lui, dès que nous eûmes pris pied sur le quai de la gare.

« Monsieur, dis-je, je suis Français, Claudius Bombarnac, correspondant du XXe Siècle, et vous êtes le major Noltitz de l’armée russe. Vous allez à Pékin, et j’y vais aussi. Je connais votre langue, comme il est très probable que vous connaissez la mienne… »

Le major fit un signe d’assentiment.

« Eh bien, major Noltitz, au lieu de demeurer étrangers l’un à l’autre durant ce long trajet à travers l’Asie centrale, vous plairait-il que nous devinssions mieux que des compagnons de voyage ? Vous savez de ce pays tout ce que j’en ignore, et ce serait pour moi un plaisir de m’instruire…

— Monsieur Bombarnac, me répond le major en français et sans aucun accent, je vous suis tout acquis. »

Puis, il ajouta en souriant :

« Quant à vous instruire ?… L’un de vos éminents critiques n’a-t-il pas dit, si j’ai bonne mémoire : les Français n’aiment à apprendre que ce qu’ils savent…

— Je vois que vous avez lu Sainte-Beuve, major Noltitz, et peut-être ce sceptique académicien avait-il raison d’une façon générale. Mais, pour mon compte, je déroge à la règle et désire apprendre ce que je ne sais pas. Or, en ce qui concerne le Turkestan russe, je suis d’une ignorance…

— Je me mets entièrement à votre disposition, répond le major, et je serai heureux d’avoir à vous raconter les hauts faits du général Annenkof, dont j’ai suivi tous les travaux.

— Je vous remercie, major Noltitz. Je n’attendais pas moins de l’urbanité d’un Russe envers un Français…