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Nous nous sommes retirés, pendant que M. Caterna déversait toutes les locutions de son vocabulaire de marine et de coulisses sur cet imbécile.

Que faire ?

« Messieurs, nous dit Pan-Chao, je sais comment les choses se passent à Pékin et dans le Céleste-Empire. Il ne s’écoulera pas deux heures entre le moment où Kinko a été arrêté et le moment où il sera traduit devant le juge d’arrondissement, chargé de connaître de ces sortes de délits. Il y va pour lui non seulement de la prison, mais de la bastonnade…

— La bastonnade… comme à cet idiot de Zizel de Si j’étais Roi ? s’écrie notre trial.

— Précisément, répond Pan-Chao.

— Il faut empêcher cette abomination… dit le major Noltitz.

— Il faut l’essayer du moins, répond Pan-Chao. Aussi je vous propose d’aller devant le tribunal, où j’essaierai de défendre le fiancé de la charmante Roumaine, et que je perde la face[1], si je ne le tire pas de là à son honneur ! »

C’est le meilleur, c’est même le seul parti à prendre. Nous sortons de la gare, nous envahissons une voiture, et nous arrivons en vingt minutes devant la bicoque d’assez minable apparence, où fonctionne le tribunal d’arrondissement.

Il y a foule. L’affaire s’est ébruitée. On sait qu’un fraudeur s’est fait expédier en caisse dans un fourgon du Grand-Transasiatique, et qu’il a fait le voyage gratis de Tiflis à Pékin. Chacun veut le voir, chacun veut connaître les traits de cet original… On ne sait pas encore que c’est tout simplement un héros !

Il est là, notre brave compagnon, il est là entre deux agents à figure rébarbative, jaunes comme des coings. Ces dogues sont prêts à reconduire le prisonnier en prison sur l’ordre du juge, et à lui appliquer quelques douzaines de coups de rotin sous la plante des pieds, s’il est condamné à ce surcroît de peine.

  1. Locution chinoise qui veut dire : être déshonoré.