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Je suis placé à la gauche de mistress Ephrinell, le major Noltitz à la droite de Fulk Ephrinell. Les autres convives se sont assis au hasard. Le baron allemand, qui n’est point homme à bouder devant un bon morceau, est au nombre des convives. Quant à sir Francis Trevellyan, il n’a pas même répondu par un signe à l’invitation qui lui a été faite.

Pour commencer, potages au poulet et aux œufs de vanneaux ; puis, des nids d’hirondelles, coupés en fils, des jaunes de crabes en ragoût, des gésiers de moineaux, des pieds de cochon rôti préparés à la sauce, des moelles de mouton, des holoturies frites, des ailerons de requin très gélatineux ; enfin, des pousses de bambou au jus, des racines de nénuphar au sucre, — toutes victuailles les plus invraisemblables, arrosées du vin de Chao-Hing, qui est servi tiède dans des théières de métal.

La fête est très gaie, et comment dirais-je ? très intime, — à cela près que le marié ne s’occupe aucunement de la mariée… et réciproquement.

Quel loustic intarissable que notre trial ! Quel jet continu de calembredaines incomprises pour la plupart, de calembours antédiluviens, de coq-à-l’âne dont il rit de si bon cœur qu’il est difficile de ne pas rire avec lui. Il veut apprendre quelques mots de chinois, et Pan-Chao ayant dit que « tching-tching » signifie merci, il a « tching-tchingué » à tout propos avec des intonations burlesques.

Puis, ce sont des chansons françaises, des chansons russes, des chansons chinoises, — entre autres « le Shiang-Touo-Tching », la Chanson de la rêverie, dans laquelle notre jeune Céleste répète que « les fleurs du pêcher sentent bon à la troisième lune et celles du grenadier rouge à la cinquième ».

Ce festin s’est prolongé jusqu’à dix heures. À ce moment, le trial et la dugazon, qui s’étaient éclipsés avant le dessert, font leur entrée, l’un en houppelande de cocher, l’autre en caraco de bonne, et ils ont joué les Sonnettes avec un entrain, une verve, un brio !…