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Un peu de viande froide, du pain, une bouteille de vodka, voilà ce que m’a fourni cette buvette.

La gare est un peu obscure. De rares lampes ne donnent qu’une faible lumière. Popof s’occupe de son service avec un des employés. La nouvelle locomotive ne manœuvre pas encore pour venir se placer en tête du train. Aussi le moment me paraît-il favorable. Inutile d’attendre que nous ayons quitté Kokhan. Ma visite faite à Kinko, je pourrai au moins dormir toute la nuit, — ce qui ne laissera pas de m’être fort agréable, je l’avoue.

Je monte donc sur la plate-forme, et, après m’être assuré que personne ne peut me voir, je pénètre à l’intérieur du fourgon, en disant tout d’abord :

« C’est moi ! »

En effet, il était prudent de prévenir Kinko pour le cas où il serait hors de sa caisse.

Mais il n’avait pas eu cette pensée, et je lui recommande une extrême circonspection. Les provisions lui font le plus grand plaisir, car elles varient un peu son maigre ordinaire.

« Je ne sais comment vous remercier, monsieur Bombarnac, me dit-il.

— Si vous ne le savez pas, ami Kinko, ai-je répondu, dispensez-vous-en, c’est plus simple.

— Combien de temps restons-nous à Kokhan ?

— Deux heures.

— Et quand serons-nous à la frontière ?

— Demain, vers une heure de l’après-midi.

— Et à Kachgar ?

— Quinze heures après, au milieu de la nuit du 19 au 20.

— Là est le danger, monsieur Bombarnac…

— Oui, Kinko, car s’il est difficile d’entrer sur les possessions russes, il est non moins difficile d’en sortir, lorsque les Chinois sont aux portes. Leurs agents nous examineront de très près avant de nous livrer passage. Toutefois, cette sévérité s’exerce sur les voya-