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XV


Kokhan, deux heures d’arrêt. Il fait nuit. La plupart des voyageurs, déjà installés dans les wagons pour y dormir, se dispensent de descendre.

Me voici sur le quai où je fais les cent pas en fumant. Cette gare est assez importante, et son matériel va permettre de substituer une locomotive plus puissante à celles qui ont remorqué notre train depuis Ouzoun-Ada. Ces premières machines suffisaient, lorsque la voie courait à la surface d’une plaine à peu près horizontale. Mais nous sommes déjà engagés au milieu des gorges du plateau de Pamir. Il y aura des rampes d’une certaine raideur, ce qui nécessite une plus grande force de traction.

Je regarde faire la manœuvre, et, lorsque la locomotive a été détachée avec son tender, le fourgon de bagages — celui de Kinko — se trouve en tête du train.

La pensée me vient que le jeune Roumain va peut-être s’aventurer sur le quai. Ce serait une imprudence, car il risquerait d’être vu des agents, sortes de « gardovoïs », qui vont, viennent, dévisagent les gens bel et bien. Ce que mon numéro 11 a de mieux à faire, c’est de rester au fond de sa caisse, ou tout au moins dans le fourgon. Je vais me procurer quelques provisions solides et liquides, et je les lui porterai, même avant le départ du train, si cela m’est possible sans crainte d’être aperçu.

La buvette de la gare est ouverte, et Popof n’y est pas. De me voir faire ces achats, cela aurait pu l’étonner, puisque le wagon-restaurant possède tout ce dont nous avons besoin.