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abominable poussière ! La ville commerçante est bâtie sur la gauche de la rivière, — une ville à l’américaine, qui doit plaire à Fulk Ephrinell : des rues larges, tirées au cordeau, se coupant à angles droits ; des boulevards rectilignes avec rangées d’arbres ; un va-et-vient très vif de négociants vêtus à l’orientale, d’israélites, de mercantis appartenant aux espèces les plus variées ; nombre de chameaux et de dromadaires, ces derniers très recherchés pour leur résistance à la fatigue, et qui diffèrent par l’arrière-train de leurs congénères d’Afrique. Peu de femmes le long de ces rues ensoleillées, qui semblent chauffées à blanc. Vu cependant quelques types féminins assez remarquables, attifés d’un costume quasi-militaire, bottes molles au pied, cartouchière sur la poitrine à la mode circassienne. Par exemple, défiez-vous des chiens errants, bêtes affamées aux longs poils, aux crocs inquiétants, d’une race qui rappelle les chiens du Caucase, et ces animaux, — à ce que raconte l’ingénieur Boulangier, — n’ont-ils pas dévoré un général russe ?

« Pas tout entier, me répond le major, en confirmant le fait. Ils avaient laissé ses bottes ! »

Dans le quartier commerçant, au fond de rez-de-chaussée obscurs, habités par les Persans et les Juifs, à l’intérieur de misérables échoppes, se vendent ces tapis d’une incroyable finesse et de couleurs si artistement combinées, tissés la plupart du temps par de vieilles femmes et sans cartons Jacquard.

Sur les deux rives du Mourgab, les Russes ont fondé leurs établissements militaires. Là paradent des soldats turkomènes au service du Czar. Ils portent le bonnet bleu et les épaulettes blanches avec leur vêtement ordinaire, et manœuvrent sous les ordres d’officiers moscovites.

Un pont de bois, long de cinquante mètres, dont le tablier repose sur des chevalets, traverse la rivière. Il est praticable non seulement aux piétons, mais aux trains, et des fils télégraphiques sont tendus au-dessus de ses parapets.

Sur l’autre rive s’élève la ville administrative, qui compte