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Rien de nouveau en ce qui concerne le placement des convives du dining-car. Je me retrouve auprès du major Noltitz, qui observe avec une certaine attention le seigneur Faruskiar et son compagnon, placés à l’extrémité de la table. Nous nous demandons quel peut être ce Mongol de mine si hautaine…

« Tiens, dis-je en riant de l’idée qui me traverse l’esprit, si c’était…

— Qui donc ? répond le major.

— Ce chef de pirates… le fameux Ki-Tsang…

— Plaisantez… plaisantez, monsieur Bombarnac, mais à voix basse, je vous le recommande !

— Voyons, major, convenez que ce serait là un personnage des plus intéressants, digne d’être minutieusement interviewé ! »

Tout en bavardant, nous mangeons de bon appétit. Le déjeuner est excellent, les provisions ayant été renouvelées à Askhabad et à Douchak. Pour boisson, du thé, du vin de Crimée, de la bière de Kazan ; pour viande, des côtelettes de mouton et d’excellentes conserves ; pour dessert, un melon savoureux, des poires et des raisins de premier choix[1].

Après déjeuner, je viens fumer mon cigare sur la plate-forme à l’arrière du dining-car. M. Caterna s’y transporte presque aussitôt. Visiblement, l’estimable trial guettait cette occasion d’entrer en rapport avec moi.

Ses yeux spirituels à demi-fermés, sa figure glabre, ses joues habituées aux faux favoris, ses lèvres habituées aux fausses moustaches, sa tête habituée aux postiches roux, noirs, gris, chauves ou chevelus suivant ses rôles, tout dénote le comédien fait à la vie des planches. Mais M. Caterna a une physionomie si ouverte, une figure si réjouie, l’air si honnête, l’attitude si franche, enfin l’apparence d’un si brave homme !

  1. M. l’ingénieur Boulangier n’oubliera pas qu’il a fait l’éloge d’un repas identique dans le récit de son voyage.