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césar cascabel.

venir, M. Serge et ses compagnons résolurent de se mettre en rapport avec les deux matelots qu’un naufrage avait dû jeter sur l’archipel des Liakhof. Peut-être pourraient-ils se concerter avec eux pour tromper la vigilance de Tchou-Tchouk et s’enfuir, lorsque les circonstances seraient favorables.

Le reste de la journée fut employé à remettre tout en ordre à l’intérieur de la Belle-Roulotte. Grosse besogne, et ce que Cornélia se fit de mauvais sang, elle, la minutieuse ménagère ! Il y eut là de quoi occuper Kayette, Napoléone et Clou-de-Girofle pendant le reste de la journée.

Il est à noter en passant, que, depuis qu’il était résolu à jouer un bon tour à Sa Majesté Tchou-Tchouk, M. Cascabel avait recouvré toute sa bonne humeur d’autrefois, si compromise par les derniers coups du sort.

Le lendemain, M. Serge et lui allèrent à la recherche des deux matelots ; Ceux-ci, très probablement, jouissaient de la même liberté qu’on leur laissait à eux-mêmes. En effet, ils n’étaient point emprisonnés, et ce fut à la porte du réduit qu’ils occupaient à l’extrémité du village, que la rencontre se fit, sans provoquer aucune opposition de la part des indigènes.

Ces matelots, âgés l’un de trente-cinq ans, l’autre de quarante, étaient d’origine moscovite. Les traits tirés, la figure famélique, leurs vêtements de marins enveloppés de pelleteries en lambeaux, éprouvés par la faim non moins que par le froid, la figure à peine reconnaissable, sous une épaisse chevelure et une barbe en désordre, ils avaient l’air fort misérables. C’étaient cependant des hommes solides, vigoureusement constitués, et qui, à l’occasion, pourraient donner un bon coup de main. Toutefois, il ne parut pas qu’ils fussent très désireux de se lier avec ces étrangers dont ils avaient appris l’arrivée sur l’île Kotelnyï. Et, pourtant, l’identité de situation, un désir commun d’en sortir en s’aidant les uns les autres, auraient dû les rapprocher de la famille Cascabel.

M. Serge interrogea ces deux hommes en russe. Le plus âgé dé-