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coups de canon

à perdre et qu’il fallait sortir sans délai de ce cul-de-sac, s’il ne voulait s’y voir enfermé peut-être sans ressource. Virant de bord vers l’est, il ne songea plus qu’à lutter contre le vent, contre la neige, contre l’armée hurlante des glaçons.

Mais bientôt il fallut s’avouer que l’entreprise était sans espoir. La tempête faisait rage avec une telle puissance que ni la machine de l’Alaska ni son éperon d’acier ne pouvaient plus rien. Non seulement le navire avançait peu, mais par moments il était forcé de reculer de plusieurs mètres. Ses mâts gémissaient sous l’effort du vent. Une neige épaisse, obscurcissant le ciel et aveuglant l’équipage, couvrait déjà le pont et les manœuvres sur plus d’un pied d’épaisseur. Les glaces, s’entassant, s’accumulant, élevaient, à chaque rafale, leur muraille impénétrable. Force fut de revenir à la banquise, d’y chercher presque à tâtons un petit havre, de se résigner à attendre une éclaircie.

Le yacht américain avait disparu dans la tourmente, et, dans l’état où l’avait mis le coup de bélier de l’Alaska, il était plus que douteux qu’il pût y résister. Quant à sortir de l’impasse, Erik ne supposait même pas que ce fût à craindre.

Au surplus, la situation était assez grave pour qu’on n’eût plus que des soucis personnels, et, de minute en minute, elle empirait.

Rien ne peut rendre l’horreur et l’épouvante de ces tempêtes arctiques, où les forces de la nature primitive semblent, en quelque sorte, se réveiller