Page:Verne, Laurie - L’Épave du Cynthia.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

274
l’épave du cynthia.

Tudor Brown n’avait garde de l’attendre. Il battit en retraite, se remit à longer la banquise tout en tirant de cinq minutes en cinq minutes un coup de canon par l’arrière. Mais son champ d’action était maintenant trop limité. De plus en plus étroitement resserré entre le continent de glace et l’Alaska, il vit qu’il n’avait plus de salut possible, sinon en risquant une pointe audacieuse pour regagner la haute mer. Il la tenta donc, après quelques feintes destinées à tromper son adversaire sur sa véritable intention.

Erik le laissa faire. Puis, au moment précis où l’Albatros, lancé à toute vapeur, arrivait à sa portée, il se rua sur lui avec son éperon d’acier.

L’effet du choc fut terrible. Une plaie béante s’ouvrit dans les flancs du yacht, qui s’alourdit à l’instant, s’arrêta et devint presque impossible à manœuvrer. Quant à l’Alaska, il s’était promptement rejeté en arrière et se préparait à renouveler son assaut. L’état de plus en plus menaçant de la mer ne lui en laissa pas le temps.

Le tempête arrivait. C’était un grand vent de sud-est, accompagné de tourbillons de neige, et qui n’avait pas seulement pour effet de soulever des lames formidables, mais refoulait vers le golfe, où se trouvaient les deux navires comme au fond d’un entonnoir, des masses énormes de glace flottantes. On aurait dit que, de tous les points de l’horizon, elles s’y donnaient subitement rendez-vous. Erik comprit qu’il n’y avait pas une minute