Page:Verne, Laurie - L’Épave du Cynthia.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

234
l’épave du cynthia.

à tournoyer en poussant des cris rauques. Quand le silence se fut rétabli, une longue traînée noire, coupée dans tous les sens de prodigieuses fissures latérales, zébrait à perte de vue le champ de glace. Soulevée par l’explosion des gaz, déchirée par la force brisante du terrible agent, la banquise s’était rompue. Il y eut un moment d’attente et, pour ainsi dire, d’hésitation ; puis, la débâcle s’opéra comme s’il ne lui avait manqué que le signal. Craquant de toute parts, lézardée, morcelée, la banquise se désagrégea, céda à l’action du courant qui la rongeait à sa base, et bientôt s’en alla à la dérive. Çà et là, un continent ou une presqu’île de glace s’allongeait encore, comme pour protester contre cette violence. Mais, dès le lendemain, le passage était libre ; l’Alaska pouvait rallumer ses feux. Erik et la dynamite avaient fait ce que le pâle soleil arctique n’eût accompli peut-être qu’un mois plus tard.

Le 2 juillet, l’expédition arrivait au détroit de Banks ; le 4, elle débouchait sur l’océan Glacial proprement dit. Dès lors, la route était ouverte, en dépit des icebergs, des brumes et des neiges. Le 12, l’Alaska doublait le cap Glacé ; le 13, le cap Lisburne ; le 14, à dix heures du matin, il entrait dans le golfe de Kotzebue, au nord du détroit de Behring, et y trouvait, selon la consigne, le bateau à charbon venu de San Francisco. Ainsi s’était accompli, en deux mois et seize jours, le programme arrêté dans le golfe de Gascogne.