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l’épave du cynthia.

sinistre et perfide que sa mémoire gardait de ces parages, tels qu’il les avait vus décrits dans les traités de géographie. Mais quoi ! opposer une impression fugitive, un vague souvenir, à un fait aussi brutal et aussi précis qu’une carte de l’amirauté britannique !… Erik n’osa pas. Les cartes sont faites précisément pour garantir les navigateurs contre les erreurs ou les illusions de leur mémoire. Il salua son chef et remonta.

Il n’avait pas encore mis le pied sur la passerelle que ces cris retentirent :

« Brisants à tribord ! » suivis presque aussitôt d’un second appel : « Brisants à bâbord !… »

Il y eut aussitôt sur le pont un coup de sifflet accompagné d’un trépignement confus, une série de manœuvres effectuées l’une sur l’autre. L’Alaska ralentit sa marche et fit machine en arrière… Le commandant se précipita vers l’escalier.

À ce moment, il perçut un bruit sourd qui ressemblait à un froissement de traîneau sur la neige. Soudain une secousse terrible le jeta à la renverse en faisant frémir le navire de la quille à la pointe de ses mâts !… Puis le silence se fit, et l’Alaska resta immobile.

Il venait de se loger comme un coin entre deux rochers sous-marins.

Le commandant Marsilas, la tête ensanglantée par sa chute, se releva pour monter sur le pont. Tout y était dans une confusion inouïe. Les matelots éperdus se précipitaient vers les chaloupes.