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voyage en france par un français

conquête de la démocratie, de l’Envie, dis-je, qui nous gouverne (si c’est là gouverner !). Il est fortement question, paraît-il, de déchirer pour l’an prochain ce testament du bon sens dans l’organisation funeste de notre armée. L’instruction dont on fait tant flamberge chez nos maîtres, l’argent, leur dieu et celui de tant d’autres, leurs électeurs, ne sauveront plus personne du niveau fatal. « Tout le monde soldat ! » s’écrie l’Envie, et l’écho répond en allemand : a personne soldat ! »[1].

Mais cela, après tout, ne nous concerne pas, et puisque c’est la vertu de ce siècle d’être égoïste, soyons-le une petite fois et félicitons-nous de profiter, nous derniers, d’une liberté qui va prendre le chemin de toutes autres — li-

  1. Note de l’auteur. — Est-il besoin d’insister sur cette vérité mille fois rappelée depuis la triste législation de Soixante-treize que le système prussien, lui, naquit des circonstances précaires où Napoléon avait réduit le recrutement de l’armée allemande après Iéna, et ne fut en somme qu’un pis-aller, qu’un moyen détourné de suppléer à un effectif dérisoire imposé par le plus impitoyable des vainqueurs. Mais la Médiocratie qui prédominait en Soixante-treize, en attendant les coquins que voici, ne trouva rien de mieux que d’adapter à nos nécessités d’alors, et ce — ô prodige d’imbécillité ! en toute liberté laissée d’agir, — la ressource empirique d’un patriotisme de tout autre tempérament, acculé aux suprêmes expédients.