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critique et conférences

s’attendait guère, je gage, et qui n’a dû le toucher que médiocrement. Il faut, certes, avoir la berlue ou un étrange parti-pris pour découvrir de l’émotion, comme l’entendent MM. Barbey d’Aurevilly et consorts, dans ces poèmes d’une sérénité marmoréenne digne de Gœthe, et par cela même indigne de l’admiration de ces messieurs. Autant, morbleu ! trouver émue et passionnée la Vénus de Milo !

C’est aussi sous la dictée de l’amour de la vie dans l’art que M. Barbey d’Aurevilly a bien osé qualifier Leconte de Lisle de « jeune littérateur français qui essaie de petites inventions ou de petits renouvellements littéraires, et provoque le succès comme il peut. » — Leconte de Lisle est une des victimes de M. Barbey d’Aurevilly, et, au fait, on devait s’y attendre. Que pouvait-il comprendre, lui, le passionné, à cette poésie calme, rassise, à ces vers d’airain retentissant comme des tonnerres lointains, sans jamais éclater, par cette suprême loi de l’art que tout éclat est une discordance, et que, le beau, c’est l’harmonie ? Et que pouvait comprendre ce catholique farouche, ce « Mérovingien », comme il s’est baptisé lui-même, à ce vaste plan synthétique de l’œuvre du grand poète, où chaque religion vient à son tour fournir sa pierre à un monument sans analogue dans aucune littéra-