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souvenirs et promenades


Un tout petit salon, en effet, abrité de la réverbération violente d’une après-midi torride contre le blanc cruel de la place par des persiennes et d’épais rideaux de nuance vert-foncé. Mme Hugo, qui s’était à moitié soulevée, pour me recevoir, d’un large canapé qu’elle m’invita à partager, était elle-même comme voilée d’un de ces immenses chapeaux de paille ainsi que les femmes en portaient alors, et dont un long élastique permettait de rapprocher ou d’éloigner les bords tenus à la main selon le vent ou le soleil.

Très gracieusement, elle me fit asseoir et me parla de moi, de mes travaux, de mes projets. Je n’ai pas dit que j’avais, par un mot écrit de la veille avant mon départ pour Bruxelles, prévenu le Maître de ma visite. D’où probablement l’invitation de la servante, sur mon nom énoncé, à entrer et attendre. Elle m’assura de la grande sympathie de son mari pour les jeunes littérateurs et pour moi et mes vers en particulier. La politesse ! Puis elle s’excusa de me recevoir dans toute cette ombre qu’elle appelait plaisamment toute cette nuit, et se mit à me parler névralgies, maux d’yeux, collyres et ainsi de suite, avec une remarquable facilité d’élocution et, me sembla-t-il, quelque exaltation maladive ou tout au moins fébrile.