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voyage en france par un français

bon rire malin, et très malin, qu’une nature puissante porte en son flanc comme un orage salutaire dont elle se délivre au temps qu’il faut. M. Barbey d’Aurevilly, lui, si intempérant — (et qu’il a donc raison !) — comme critique furieusement ironique et comme polémiste à gorge déployée, dans ses romans concentre sa formidable bonne humeur, la cube et n’en laisse échapper, par éclairs, que d’éblouissantes visions. Or, si nous comparons ces deux romanciers nôtres à ceux qui vont nous occuper, convenons que cette gaieté, large ou profonde, est la plus grande différence qui puisse séparer œux-là, moralement, des contemporains, des confrères, des gens parlant, d’éducation et de vocation, le même langage. Cette différence est un nouvel honneur, après tous les autres, pour le Catholicisme, qui laisse à l’homme toutes ses facultés, toutes, à condition de rester honnêtes, comme elles le peuvent, tandis que, plongés d’imagination dans le vice et dans sa morosité, il va sans dire que les « naturalistes » ne peuvent, ne doivent tout d’abord, fût-ce en dépit de leur tempérament de Français — (mais ils mentent à sa tradition, en adoptant peu fièrement le relâchement et l’inquiétude modernes, — d’où leur mal) — qu’étaler l’immense tristresse dont Lucrèce parle d’expérience…