Page:Verlaine - Œuvres posthumes, Messein, I.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
souvenirs

nom en vy dissimulait mal la religion, me vint trouver un jour en me disant : « Cer maître, que ze voudrais bien faire votre portré ! » Il accoucha bientôt d’un pastel terrible où ma tête, pourtant plutôt peu patibulaire, apparaissait sur un fond rouge-flamme, telle une tête de damné. Portrait et fond furent exposés au « Blanc et Noir » et l’iconographe Félix Fénéon « s’en défia » de très spirituelle façon dans les colonnes d’un journal d’art de l’époque.

Je n’ai jamais aimé poser et ce me fut un véritable supplice quand un autre peintre vint quelques jours après me proposer la même botte pour la Revue illustrée ; ma tête était déjà la proie d’un de mes amis, d’ailleurs le plus « talenteux », à mon sens, mais aussi le plus terrible de ces tortionnaires. Je ne connais que les interviews modernes, d’ailleurs de charmants garçons, pour être véritablement plus rasoirs encore, selon le mot de cet excellent Raoul Ponchon.

Bien que mal fortuné déjà, j’avais mes mercredis. Et ces soirs-là ma petite chambre, qui n’avait pourtant rien de commun avec la maison de Socrate, contenait parfois jusqu’à quarante personnes des deux sexes. Villiers de l’Isle-Adam faisait des grâces à Mme Rachilde qui, elle-même, avait de l’esprit entre Laurent Tailhade et Jean Moréas.