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pierre duchatelet

tracé entre le gazon du rempart et le pavé du trottoir, le tout d’ailleurs, chemin, gazon et trottoir, recouvert d’un pied de neige durcie et passablement glissant, mais les bottes de l’homme étaient clouées à glace, et il marchait, grâce à leur poids considérable, lourdement et comme carrément.

Les réflexions dans lesquelles il paraissait enfoncé étaient de la nature la plus simple.

Par un entraînement très naturel et très louable, bien qu’il fût employé du Gouvernement et de ce fait exempt du service militaire pendant la période obsidionale, il s’était laissé inscrire au bataillon de son quartier, avait pris part aux premières réunions d’instruction, manœuvré, été à la cible, etc., plein de zèle, — d’un zèle assez superficiel, histoire de jouer au soldat, de porter un « képi », comme un peu tout le monde — puis, selon l’hiver avançant, la gelée pinçant de plus en plus les mains sur l’acier du fusil, les pieds sur le verglas des trottoirs, au fur et à mesure de l’illusion s’en allant, pigeons menteurs, affiches emphatiquement trompeuses, décrets fallacieusement déclamatoires, les camarades ! ceux du bureau capons et insolents, ceux du bataillon bravaches et bêtes et tant d’autres et cœtera ! — il s’était refroidi comme les mois, glacé comme les nuits de cet immense siège dérisoire, banqueroute au patriotisme, plaisanterie prussienne et emballage parisien, énigme farce dans l’horreur