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louise leclercq

sur la rue des Dames, les syllabes « colo » continuent cette enseigne au-dessus de la porte vitrée d’entre les deux rues, et la désinence « niales » l’achève dans la rue transversale. La raison sociale « Eugène Costeaux, Leclercq successeur », s’étalait il y a un peu plus de deux ans en deux lignes de lettres rouges imitant l’écriture anglaise sur les battants vitrés de la porte d’entrée du magasin. Le nom « Leclercq » était répété, seul cette fois, sur la dalle de marbre blanc et bleu du seuil étroit qui s’allonge entre deux hauts vitrages grillés à hauteur d’homme. Un paillasson précède immédiatement la porte dont le battant resté libre s’ouvre en dedans. Le magasin est bas de plafond. Son plancher reste poussiéreux bien que balayé plusieurs fois par jour et arrosé tous les matins abondamment, mais il vient tant de monde et la rue est si sale !

À l’époque dont il s’agit, deux garçons revêtus de la longue blouse grise de l’emploi, faisaient le service sous la direction très active du patron et de la patronne. Ceux-ci, de bien braves gens quelconques, tout à leur magasin qu’ils tenaient d’un oncle au mari, mort sans enfants, il y avait une vingtaine d’années, étaient originaires de Saint-Denis, où leurs ascendants avaient vécu de père en fils du même commerce d’épiceries, exercé en tout petit. C’étaient donc des Parisiens de race et d’habitudes, qui ne