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bonheur

En la gloire profane et le renom païen,
Comme si iout cela n’était pas trois fois rien,
Comme si tel beau vers, telle phrase sonore,
Chantait mieux qu’un grillon, brillait plus qu’un fulgore
Va, risque ton salut, ton salut racheté
Un temps, par une vie autre, c’est vérité,
Que celle de tes ans primes, enfance molle,
Age pubère fou, jeunesse molle et folle
Risque ton âme, objet de tes soins d’autrefois
Pour quels triomphes vains sur quels banals pavois ?
Malheureux !

Malheureux ! Je réponds avec raison, je pense :
Je n’attends, je ne veux pas d’autre récompense
À ce mien grand effort d’écrire de mon mieux
Que l’amitié du jeune et l’estime du vieux
Lettrés qui sont au fond les seules belles âmes,
Car où prendre un public en ces foules infâmes
D’idioterie en haut et folles par en bas ?
Où, — le trouver ou pas, le mériter ou pas,
Le conserver ou pas ! — l’assentiment d’un être
Simple, naïf et bon, sans même le connaître
Que par ce seul lien comme immatériel,
C’est tout mon attentat au seul devoir réel,
Essentiel gagner le ciel par les mérites,
Et je doute, Jésus pieux, que tu t’irrites
Pour quelque doux rimeur chantant ta gloire ou bien
Étalant ses péchés au pilori chrétien ;