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SAGESSE

Vos yeux qui n’ont jamais rien vu que Montmartre,
— « Campagne » vert de plaie et ville blanc de dartre
(Et les sombres parfums qui grimpent de Pantin !) —
Donc, par ce lent sentier de rosée et de thym,
Cheminons vers la ville au long de la rivière,
Sous les frais peupliers, dans la fine lumière.
L’une des portes ouvre une rue, entrons-y.
Aussi bien, c’est le point qu’il faut, l’endroit choisi :
Si blanches, les maisons anciennes, si bien faites.
Point hautes, çà et là des bronches sur leurs faîtes,
Si doux et sinueux le cours de ces maisons,
Comme un ruisseau parmi de vagues frondaisons,
Profilant la lumière et l’ombre en broderies
Au lieu du long ennui de vos haussmanneries,
Et si gentil l’accent qui confine au patois
De ces passants naïfs avec leurs yeux matois !…
Des places ivres d’air et de cris d’hirondelles
Où l’histoire proteste en formules fidèles
À la crête des toits comme au fer des balcons,
Des portes ne tournant qu’à regret sur leurs gonds,
Jalouses de garder l’honneur et la famille…
Ici tout vit et meurt calme, rien ne fourmille,
Le « Théâtre » fait four, et ce dieu des brouillons.
Le « Journal » n’en est plus à compter ses bouillons,
L’amour même prétend conserver ses noblesses
Et le vice se gobe en de rares drôlesses.
Enfin rien de Paris, mon frère « dans nos murs ».
Que les modes… d’hier, et que les fruits bien mûrs