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chez les ancêtres de ses admirateurs actuels, s’imposait là en sa gloire plénière. On ne discutait plus, on vénérait.

Cette ville d’Amsterdam qui l’avait appauvri, cette ville dont les hommes de loi avaient jadis dispersé ses biens et l’avaient obligé à vivre de misère jusqu’au dernier jour de sa vieillesse, il l’enrichissait à cette heure en concentrant autour de son œuvre l’or des mécènes et des visiteurs. Son pays qui l’avait trahi, traqué, repoussé, il l’illuminait avec sa gloire, si largement, qu’aux yeux de plusieurs, il était la raison d’être la plus belle et la plus nette de l’existence même de son peuple. Car si, — comme beaucoup de penseurs le croient, — la fonction suprême des collectivités est de susciter et de produire des grands hommes, quelle nation aurait plus de titres à se maintenir vivante et intacte que celle qui fut l’occasion du surgissement soudain et magnifique d’un Rembrandt ?

La fête et la réparation furent, du reste, uniques. L’enthousiasme contenu des organisateurs, l’admiration absolue des visiteurs se rencontrèrent. Jamais hommage ne fut plus ardent ni plus unanime. Du 18 septembre au 31 octobre 1898, Rembrandt régna comme une énorme puissance spirituelle sur l’Europe pensante tout entière. Savants, artistes, philosophes vinrent le visiter dans sa survie et prendre des leçons d’humanité et d’art en tête à tête avec ses œuvres.

L’Exposition occupait plusieurs salles. À côté de grandes œuvres connues : la Ronde de nuit, les Syndics, la Fiancée juive, qu’avait prêtées le Rijksmuseum, plus de cent