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les soirs


« Vides, les îles d’or, là-bas, dans l’or des brumes,
« Où les rêves assis sous leur manteau vermeil,
« Avec de longs doigts d’or effeuillaient aux écumes,
« Les ors silencieux qui pleuvaient du soleil.

« Cassés, les mâts d’orgueil, flasques, les grandes voiles !
« Laissez la barque aller et s’éteindre les ports ;
« Les phares ne tendront plus vers les grandes étoiles,
« Leurs bras immensément en feu — les feux sont morts ! »

Blafards et seuls, les malades hiératiques,
Pareils à de vieux loups mornes, fixent la mort ;
Ils ont mâché la vie et ses jours identiques
Et ses mois et ses ans et leur haine et leur sort.

Et maintenant, leur corps ? — cage d’os pour les fièvres
Et leurs ongles de bois heurtant leurs fronts ardents,
Et leur hargne des yeux et leur minceur de lèvres
Et comme un sable amer, toujours, entre leurs dents.