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les moines


Et leur grand corps drapé des longs plis de leur froc
Semble surgir debout dans les parois d’un roc.

Eux seuls, parmi ces temps de grandeur outragée,
Ont maintenu debout leur âme ensauvagée ;

Leur esprit, hérissé comme un buisson de fer,
N’a jamais remué qu’à la peur de l’enfer ;

Ils n’ont jamais compris qu’un Dieu porteur de foudre
Et cassant l’univers que rien ne peut absoudre,

Et des vieux Christs hagards, horribles, écumants,
Tels que les ont grandis les maîtres allemands,

Avec la tête en loque et les mains large-ouvertes ;
Et les deux pieds crispés autour de leurs croix vertes ;

Et les saints à genoux sous un feu de tourment,
Qui leur brûlait les os et les chairs lentement ;

Et les vierges, dans les cirques et les batailles,
Donnant aux lions roux à lécher leurs entrailles ;