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les flamandes


La vache brusquement s’arrête au seuil du porche.
Tout est rouge autour d’elle et fumant, sur le sol
Un taureau tacheté de rousseurs, qu’on écorche
Et dont coule le sang par un trou fait au col.

Des moutons appendus au mur, têtes fendues,
Des porcs, gisant sur la paille, moignons en l’air,
Un veau noir sur un tas d’entrailles répandues
Avec le coutelas profond fouillant la chair.

Et plus loin, au-delà de ces visions rouges,
Ce sont des coins verdis de blés qu’elle entrevoit,
Où des bœufs laboureurs, que bâtonnent des gouges,
Entaillent le terreau gluant d’un sillon droit.

Et voici que se fait la lumière complète,
Le creusement profond des lointains horizons,
Le grand jour triomphal et doré, qui projette
Ses flammes d’incendie au ras des floraisons,

Qui baigne les champs gras d’une sueur fumante,
Les pénètre, à plein feu, de ses rayons mordants,
Les brûle de baisers d’amour, comme une amante,
Et leur gonfle le sein de germes fécondants.