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les flamandes


Elles mâchonnent tout d’un appétit goulu :
Glands, carottes, navets, trèfles, sainfoins, farines,
Le col allongé droit et le mufle velu,
Avec des ronflements satisfaits de narines,

Avec des coups de dent donnés vers le panier,
Où Kato fait tomber les raves qu’elle ébarbe,
Avec des regards doux fixés sur le grenier,
Où le foin, par les trous, laisse flotter sa barbe.

L’écurie est construite à plein torchis. Le toit,
Très vieux, très lourd, couvert de chaume et de ramées,
Sur sa charpente haute étrangement s’asseoit
Et jusqu’aux murs étend ses ailes déplumées.

Les lucarnes du fond permettent au soleil
De chauffer le bétail de ses douches ignées,
Et le soir, de frapper d’un cinglement vermeil
Les marbres blancs et roux des croupes alignées.

Mais, au dedans, s’attise une chaleur de four,
Qui monte des brassins, des ventres et des couches
De bouse mise en tas, pendant qu’autour
Bourdonne l’essaim noir et sonore des mouches.