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À sa luxure âpre et bouffonne,
Avec les trous de tout son corps.


Miserere, sous la neige qui pleure,

Fouette ainsi, pendant des heures,
Sa propre rage en la rage de tous.
Sa peine et son chagrin se sont dissous
À voir ces ruts et ces gaîtés posthumes,
Que sa tristesse exhume,
Rire du désespoir et se moquer du sort.
Les flocons blancs tombent si fort,
Que leur danse, dans les ténèbres,
Se mêle immensément à la danse des morts,
Et multiplie à l’infini

Le branle fou des kermesses funèbres.


Enfin, quand parait l’aube,

Et que l’exact et probe
Benedictus, sonneur et sacristain,
Ouvre l’église, le matin,
Les morts à la hâte reviennent
Vers leurs tombes quotidiennes ;
Les uns en bandes et d’autres seuls,
Avec un pâle et frais linceul
De neige, autour des côtes.
Et le ménétrier est comme un hôte
Qui mène à leur couche, chacun

De ses pâles et vieux amis défunts.