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Qu’à l’heure, où sont venus les fossoyeurs.


En un cercueil rugueux comme une écorce,

On a porté le mort
Dans la luisante herbée et le décor

Silencieux et vert des arbres funéraires.


Les bêtes voulurent veiller la nuit entière ;

Il en était venu d’autres à leur appel,
Des pays d’or et de fumée, où le Rupel
Sinue et des marais de la Durme flamande.
Le vieil Escaut avait fourni des bandes
De rats et de loutres, et les renards
Étaient sortis du château de César,

Dont la ruine illustre Rupelmonde.


Leur plainte et leur douleur sifflaient, comme des frondes ;

Leurs hurlements frappaient, comme des coups, l’écho ;
Ils dérangeaient, dans leur sommeil, les gens des eaux
Et s’exaltaient si forts, si têtus, et si loin,
Que les pêcheurs d’aval, la hache au poing,

Attaquèrent ce deuil montant jusqu’aux étoiles.


L’ombre jetant, sur la lutte, ses voiles,

Bêtes et gens se déchiraient, sans voir
Le sang faire de la fange sur le sol noir

Et la haine brandir aux cieux ses flammes rousses.