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Quittant leur gîte et leur pays,
S’en vont, ce soir, par les routes, à l’infini.

Les mères traînent à leurs jupes
Leur trousseau long d’enfants bêlants,
Brinqueballés, brinqueballants ;
Les yeux clignant des vieux s’occupent
À refixer, une dernière fois,
Leur coin de terre morte et grise,
Où mord la lèpre comme la bise
Où mord la rogne comme les froids.
Suivent les gars des bordes,
Les bras usés comme des cordes,
Sans plus d’orgueil, sans même plus
Un seul élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois,
Sans plus la force en leurs dix doigts
De se serrer en poings contre le sort
Et la colère de la mort.

Les gens des champs, les gens d’ici
Ont du malheur à l’infini.