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Et puis, le soir, quand la lampe brille, ses mains,
Calcul après calcul, s’acharnent à poursuivre
La piste des erreurs aux taillis du grand-livre.

Et d’année en année, en s’aidant, tous les jours,
La femme, ardente aux gains, et l’homme, âpre aux négoces,
Cueillent les lourdes fleurs des fortunes précoces :
Ils ont acquis, aux angles clairs des carrefours,
Vingt maisons à pignons, dont les larges enseignes
À celui qui s’en va ou s’en revient, renseignent
Quelle bière éclatante et vivante on y sert.
Oh ! la pinte vidée, à la hâte, en plein air,
Et l’orgueil de sentir au fond de soi descendre
La sève en or des grains et des houblons de Flandre !

Voici quinze ans bientôt que le brasseur travaille
Et que la vie, avec ses vœux et ses souhaits,
Se serre, ici, là bas, partout, entre les mailles
Qu’il noue en chaque rue autour d’un cabaret ;
De faubourg en faubourg, son renom règne à l’aise.
Parmi les francs buveurs qui tanguent sur leur chaise,
Dès qu’il paraît, il paie à boire et dûment boit,