Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Le vent, parfois, semblait rugir dans la feuillée ;
Un soir, une peur d’enfant, par l’ombre réveillée,
Me fit m’enfuir, les yeux hagards, le cœur battant,
Certain que j’avais vu, sous les rameaux flottants,
Me regarder et longuement ramper à terre.
Pour tout à coup bondir vers moi — une panthère !

Et ce rêve dura autant que les beaux jours,
Dans un décor de soie, et d’or et de velours,
Avec les fleurs rouges pour confidentes,
J’eusse voulu en prolonger la fièvre ardente,
Infiniment, toujours ;
Mais Novembre, jardinier sombre,
Fauchant, sur les gazons, les clartés et les ombres,
Passa bientôt par les chemins,
Et les feuilles dont ses géantes mains
Dépouillaient les massifs en chassaient tout mystère.
Bientôt le gel saisit violemment la terre ;
On enferma mes lumineux oiseaux,
En de closes et torpides volières.
Et je ne les vis plus qu’à travers les réseaux
De leurs cages lugubrement hospitalières.