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Je les connaissais tous : ceux que scandait la canne
De l’horloger ou bien les béquilles de Wanne
La dévote, qui priait tant que c’était trop,
Et ceux du vieux sonneur, humeur de brocs,
Et tous, et tous — mais les autres, les autres ?


Il en était qui s’en venaient — savait-on d’où ? —
Monotones, comme un débit de patenôtres,
Ou bien furtifs, comme les pas d’un fou,
Ou bien pesants d’une marche si lasse
Qu’ils semblaient traîner l’espace
Et le temps infini, aux clous de leurs souliers.
Il en était de si tristes et de si mornes,
Surtout, vers la Toussaint, quand les vents cornent
Le deuil illimité par le pays entier :
Ils revenaient de France et de Hollande
Ils se croisaient, sur la route marchande,
Ils s’étaient fuis ou rencontrés — depuis quel temps ?
Et se réenfonçaient dans l’ombre refondue,
À cette heure des morts, où des bourdons battants,
Aux quatre coins de l’étendue,
Comme des pas, sonnaient aussi.

Oh tous ceux-là, avec leur fièvre et leurs soucis !

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