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Et quand sur l’univers plana quatre-vingt-treize
Livide et merveilleux de foudre et de combats,
L’aile rouge des temps frôla d’ombre et de braise
L’orgueil des pavillons et l’audace des mâts.

Ainsi de siècle en siècle, au cours fougueux des âges,
Il emplissait d’espoir les horizons amers,
Changeant ses pavillons, changeant ses équipages,
Mais éternel dans son voyage autour des mers.

Et maintenant sa hantise domine encore,
Comme un faisceau tressé de magiques lueurs,
Les yeux et les esprits qui regardent l’aurore
Pour y chercher le nouveau feu des jours meilleurs.

Il vogue ayant à bord les prémices fragiles
Ce que seront la vie et son éclair, demain,
Ce qu’on a pris non plus au fond des Évangiles,
Mais dans l’instinct mieux défini de l’être humain,

Ce qu’est l’ordre futur et la bonté logique,
Et la nécessité claire, force de tous,
Ce qu’élabore et veut l’humanité tragique
Est oscillant déjà dans l’or de ses remous.