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Mais les marins des mers de cristal et d’étoiles
Contaient son aventure avec de tels serments,
Que nul n’osait nier qu’on n’avait vu ses voiles,
Depuis toujours, joindre la mer aux firmaments.

Sa fuite au loin ou sa présence vagabonde
Hallucinaient les caps et les îles du Nord
Et le futur des temps et le passé du monde
Passaient, devant les yeux, quand on narrait son sort

Au temps des rocs sacrés et des croyances frustes,
Il avait apporté la légende et les dieux,
Dans les tabliers d’or de ses voiles robustes
Gonflés d’espace immense et de vent radieux.

Les apôtres chrétiens avaient nimbé de gloire
Son voyage soudain, vers le pays du gel,
Quand s’avançait, de promontoire en promontoire,
Leur culte jeune à la conquête des autels.

Les pensers de la Grèce et les ardeurs de Rome
Pour se répandre au cœur des peuples d’Occident
S’étaient mêlés, ainsi que des grappes d’automne,
À son large espalier de cordages ardents.