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Les sophistes sacrés marquent d’un scel pieux
— Serpent, lotus ou croix — la science du monde,
Et baptisent l’envol des forces errabondes
Qui passent au delà des hommes et des dieux.

Sur l’arbre du mystère, ils greffent le prodige ;
Le miracle incessant tient la place des lois,
Leur passion du ciel prend en croupe la foi
Et l’élève, de roc en roc, jusqu’au vertige.

Il n’est plus rien de vrai, puisque tout est divin.
L’esprit doit abdiquer l’orgueil qui le fait vivre
Pour lui-même, par la pensée et par le livre ;
On empoisonne l’inconnu dont il a faim.

Voici la paix de la banale certitude ;
Hommes, pourquoi chercher ? Vous avez le repos,
Il coule en vous, mais c’est du plomb, parmi vos os,
Et du bonheur, dans sa plus morne plénitude.

Rien n’est plus haut, malgré l’angoisse et le tourment,
Que la bataille avec l’énigme et les ténèbres ;
Oh nos flèches d’airain trouant les soirs funèbres,
Vers quelque astre voilé qui brûle au firmament !