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S’écrase sur ce sol pour mieux entendre encore ;
Mais déjà le silence a remplacé tout bruit
Et le soir tombe, et le deuil choit, et c’est la nuit
Et rien ne bouge plus dans la terre sonore.
Heureux, pourtant, celui qui ne sanglote pas
Et repousse quand même avec un orgueil rude
La trop facile et vieille et douce certitude
Dont les cœurs les plus francs, en notre temps, sont las.
Une autre foi s’élève et pousse aux découvertes
Nettes, sûres, innombrables, quoique jamais
Claires au point de lui livrer tous les secrets ;
L’âme nouvelle a limité sa force experte
À conquérir, non plus le ciel, mais l’univers.
Calcul précis, coups d’œil soudains, recherches lentes,
Dieu sait quelle fureur admirable la hante
Et quel essor lui impriment tous ses revers.

Plus une œuvre est ardue et plus je la sens proche
De mon courage dur et de mon orgueil droit.
Mes chants ont retenti en ces heures d’effroi
Où le malheur tenait mon corps sous sa mailloche.