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Sitôt que l’ouragan se déchainait du nord,
Elle s’abandonnait aux rythmes formidables.
Chênes, ormes, bouleaux, sapins, tilleuls, érables
S’exaltaient tout à coup de leur front à leur pied
En un branle profond, énorme et régulier.
À ceux qui les voyaient bouger sur fond d’orage
Ils semblaient balayer la horde des nuages
Et comme fuir le sol en leurs balancements.
L’éclair les menaçait de moment en moment ;
L’insidieux poison des fleurs violettes
Mêlait son maléfice au souffle des tempêtes ;
La fourbe clématite éparpillait ses bonds
Et sautait d’arbre en arbre et s’accrochait aux troncs ;
Le mal mordait avec sa rage âpre et dentée
L’élan vertigineux de la vie exaltée ;
Mais quel que fût l’effort que ses mille réseaux
Mettaient à enserrer la combe et la clairière,
Quand même, immensément, avec force, là-haut,
Les vents faisaient chanter la forêt tout entière.

La forêt est un monde et sa vie est la mienne.