Page:Verhaeren - Les Flammes hautes, 1917.pdf/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je distinguais l’un de l’autre le charme et l’orme,
Les yeux fermés, rien qu’à toucher un seul rameau.
L’orme craignait le gui, et le charme, l’assaut
De l’ample clématite aux voltiges énormes
Qui sautait d’arbre en arbre et là-haut l’étouffait.
L’étreinte était danger et surprise soudaine.
Parfois de blancs tarets trouaient comme une gaine
Le fût morne et noirci d’un tilleul contrefait ;
Le ciel se faisait foudre et la nuée, orage ;
Mais quel que fût l’éclair qui ravageât leurs fronts,
Jamais aucun péril ne put forcer les troncs
À abdiquer l’orgueil d’étager leurs branchages
Jusqu’aux nuages.

À leur pied, dont la mousse était d’or ou d’argent,
S’ouvraient l’euphorbe et la pervenche et l’anémone,
Fleurs très humbles, mais qui sont bonnes
Aux bêtes et aux gens ;
Et près d’elles s’ouvraient aussi la centaurée,
Le fumeterre et le lotier
Et les roses de l’églantier
Qu’entrelaçait Vénus sur sa tête dorée.