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Les muscles sont heureux de roburer les corps
Et de se contracter pour bander chaque effort.
On chante en transportant d’énormes blocs de schiste.
Le travail devient fête et rien ne lui résiste.
La dernière cloison est branlante déjà
Et dans deux nuits, au jour levant, on l’abattra.
Les pics plus ardemment dans la pierre s’implantent.
Un milanais, collant sa bouche au creux des fentes,
Jette un grand cri qu’entend un ouvrier du Rhin.
Les mots seront compris et commentés, demain.
Tous s’acharnent d’ensemble et chacun voudrait être
Celui qui percera la première fenêtre
Dans le haut mur hostile, aveugle et torturé.

Oh ! ce conflit d’efforts soudain exaspérés
Comme un amas de flots battant le pied des digues !
Nul ne sent plus ni le sommeil, ni la fatigue.
Tous les cous sont tendus et tous les souffles courts.
Enfin, avant l’aurore, un géant de Hambourg,
En descellant un bloc plus pesant qu’une enclume,
Voit tout à coup surgir des ténèbres du mont,