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Les glaçons de l’hiver et les brumes d’automne,
Frère Jacques, tu sonnes
D’un bras si rude et fort
Que tout se hâte aux prés et s’enfièvre aux collines
À l’appel clair de tes matines.
Et du bout d’un verger le coucou te répond ;
Et l’insecte reluit de broussaille en broussaille ;
Et les sèves sous terre immensément tressaillent ;
Et les frondaisons d’or se propagent et font
Que leur ombre s’incline aux vieux murs des chaumières ;
Et le travail surgit innombrable et puissant ;
Et le vent semble fait de mouvante lumière
Pour frôler le bouton d’une rose trémière
Et le front hérissé d’un pâle épi naissant.

Frère Jacques, frère Jacques,
Combien la vie entière a confiance en toi
Et comme l’oiseau chante au faîte de mon toit ;
Frères Jacques, frère Jacques,
Rude et vaillant sonneur de Pâques.