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d’une ruche d’insectes. Une atmosphère joyeuse, transparente, fine, légère, baigne la page entière et si le mot chef-d’œuvre vole sur les lèvres de celui qui la regarde, ce mot y semblera bien à sa place comme est à sa place sur le cuivre chaque trait d’ombre et chaque surface de lumière.

La grande vue de Mariakerke (1887) est d’une qualité d’art aussi haute que la Cathédrale. Les petites maisons du village west-flamand sont groupées autour de son clocher, avec leurs toits comme des ailes abaissées, avec leurs maigres enclos, avec leurs dunes poudreuses et leurs verdures aiguës. Un ciel admirable de nuages volants le surmonte et le grandit. On sent la mer proche. Les herbes de l’avant-plan sont ployées par le vent du large. Elles forment comme une barrière d’ombre qui éloigne et approfondit le sujet principal. Un air abondant circule. Une correspondance exacte, une interinfluence scrupuleusement observée et rendue existe entre le ciel et la terre. Les plans sont partout minutieusement fixes et leur accord partant des bords du cadre jusques à l’horizon prouvent quel œil sûr Ensor possède qu’il s’agisse du trait ou de la couleur.

Et l’Hôtel de ville d’Audenarde (1888) et surtout les Barques échouées (1889) confirment encore en nous cette conviction. Dans la première planche, l’ombre des galeries du rez-de-chaussée est rendue avec une justesse merveilleuse et tout le haut de l’édifice semble comme vibrer dans la lumière ; dans la seconde, grâce à la disposition oblique des deux lignes principales, celle du rivage lointain et celle des bateaux sur le quai, l’appro-