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LE PRIEUR (tout à coup debout)

Taisez-vous tous. Je suis le maître, seul !
Jusqu’au jour où mon corps serré dans mon linceul
Ira se reposer sous cette croix

Il désigne la croix du mur.
Que j’ai choisie et pour guide et pour arme,

Vous admettrez pour vrai ce que vous dit ma voix.

On se tait.
J’atteste ici que, par son cœur, que, par ses larmes,

Dom Balthazar
A désormais conquis sa part
De céleste bonheur et de sûre existence,
Là-haut ; que seul, par un surcroît de pénitence,
Il s’est humilié, devant vous tous ; le Christ
N’exigeait plus de lui ce suprême martyre.
Or, nul de vous ne s’est levé pour dire,
Avec la joie au cœur d’être par tous compris :
« Nous ne sommes que des Chrétiens bien tristes
Lorsque nous comparons nos âmes rigoristes
Et tranquilles, à cette âme folle de Ciel. »
J’atteste aussi que votre cœur est lourd de fiel,
Que je découvre en vous la louche inquiétude,